Anba Macaya
Infatigables, Marie-Pierre, Olivier, Jean-François, Stéphanie, Pascal et Matthieu ont sillonné les sentiers escarpés du Massif Macaya jusqu’à 2300m d’altitude, et ils ont établi le premier inventaire des grottes du Parc, dans l’une des deux dernières forêts primaires d’Haïti. Dans ce massif karstique au relief accidenté, ils ont exploré 95 gouffres d’une profondeur allant jusqu’à 120 mètres. Et ils se sont jetés à l’eau pour suivre le parcours souterrain de trois rivières. En pleine saison des pluies – parfois torrentielles - les spéléologues ont découvert les résurgences difficilement détectables par temps sec.
Premier inventaire du patrimoine souterrain du Parc National Macaya
Le pied trempé mais fermement campé, écartant de la machette lianes coupantes et troncs piquants, l’équipe a parcouru un karst très ancien, décapité par les précipitations importantes du massif, et dont les principaux puits n’ont plus d’alimentation active. Quoique les cartes laissaient présager un important potentiel de développement de réseaux souterrains horizontaux sous les deux formations calcaires superposées, les explorations du massif de la Hotte ont révélé une troisième formation sous-jacente qui agit comme une éponge et ne permet pas le développement de réseaux exondés.
« Nous n’avons pu trouver la rivière souterraine que nous recherchions. » mentionne Marie-Pierre Lalaude-Labayle. « Mais c’est le propre de toute expédition spéléologique : notre seule certitude c’est l’inconnu. Nous nous étions préparés à des surprises, des bonnes comme des moins bonnes » rajoute la chef d’expédition.
Un majestueux canyon
Et parmi les bonnes surprises, figure la découverte d’un très beau canyon ! Dans la ravine Casse-cou, la rivière s’enfonce en méandre entre deux parois verticales de plus de 70 mètres et a creusé un canyon de 5 mètres de large. Ses courbes arrondies par le travail de l’eau se déroulent sur près d’un kilomètre. Plusieurs ressauts - cascades, toboggan - promettent de joyeux sauts et une expérience de canyoning ludique. Protégé en amont par une première cascade d’une vingtaine de mètres, le canyon était jusqu’alors probablement inconnu en Haïti. Un tel site géologique pourrait à l’avenir faire l’objet de développements d’activités touristiques responsables avec les autorités du Parc.
Travailler main dans la main avec les habitants du Parc : un facteur clef de réussite
De nombreux habitants étaient présents aux séances d’information organisées par les spéléologues. Ainsi sensibilisés à la fragilité du milieu souterrain, ils ont également compris ce que nous recherchions, et heureusement pour nous, ces guides, comme l’incontournable Elvis, étaient là, machette à la main, pour nous guider dans cette nature impénétrable. Et nous de leur montrer comment progresser sur une corde avec un baudrier : un excellent souvenir pour les spéléologues.
2014 : une exploration de plongée spéléologique ?
Le travail d’analyse commence. Et il reste beaucoup à découvrir - l’inventaire devra être complété. L’équipe a instrumenté la résurgence du massif, Tèt L’Acul, à l’aide de sondes de pression et de température. Les mesures obtenues sur le mois permettront de connaître les variations de débits d’eau et de mieux comprendre le fonctionnement hydrologique du massif. Et ainsi de préparer une future mission de plongée spéléologique. Déjà les spéléologues salivent à l’idée de ce nouveau défi : tenter de pénétrer la rivière souterraine, cette fois-ci par la résurgence. (note : cette expédition plongée a eu lieu en 2017. Lire ici : Plongée spéléo en Haïti
Stéphanie Jagou